La première de mes libertés, en ce monde dominé par la « com », est celle de lui faire dire autre chose que ce dont elle prétend parler. Ou alors j'accepterais de me laisser enfermer dans l'étroite existence de ceux et celles qui ont conçu ces affiches. Je refuse.
(source : La Dépêche.fr, « 20 affiches choc de lutte contre le sida »)

Lorsque j'ai commencé à travailler au Yémen, j'avais l'habitude de raconter mon pays, en me faisant l'avocat des mœurs françaises en matière de vie affective et de sexualité. Les Yéménites me répondaient précisément ce qu'explique cette affiche.

Étrange sentiment d'un retour à la case départ, modulo une arnaque prodigieuse.

La seconde affiche me fait penser aux ethnologues et sociologues d'aujourd'hui, à qui l'objectivisme sert de préservatif : à force de regarder le monde à travers une paroi de latex, on développe des pathologies de la perception bien spécifiques(*). Pour la prévention, un petit dessin vaut mieux qu'un long discours d'épistémologie critique, et que tous les livres de Gregory Bateson. Mais quand donc se résoudra-t-on à une politique volontariste de dépistage, étendue à l'ensemble de cette profession à risque?

La troisième affiche ne me fait pas rire.

Toute cette histoire me rappelle un air obsédant d'Ani Difranco, qui n'a pas l'entrain d'un hymne révolutionnaire et restera donc probablement lettre morte. La chanson finit pourtant sur ces lignes (écouter ici, paroles en anglais là) :

« Chers amis, femmes et hommes,

Quel meilleur moment pour nous d'admettre

Que nous avons cherché la réponse à la guerre au mauvais endroit. »

 (*) Un exemple. Pendant 40 ans, les Taezzis ont été le « préservatif » des observateurs étrangers au Yémen (informateurs, traducteurs, intellectuels…). Le biais perceptif qui en est la conséquence : une vision excessivement sexualisée du sens de l'honneur (représentations de la tribu comme une ligue de mâles violents et dominateurs). Aujourd'hui Taez est au premier rang de la révolte, qui reste pacifique depuis plus d'un an dans l'ensemble du pays. Mais comme la Communauté Internationale reste persuadée que les mâles violents vont finir par s'entretuer, elle cautionne l'ingérence saoudienne qui maintient le régime en place... et laisse depuis huit mois le régime écraser Taez dans la violence.