ORIENT médiation et conseil
par un anthropologue indépendant
Gregory Bateson (1904-1980)
Grande figure intellectuelle du vingtième siècle (voir la fiche
Wikipedia), l'influence de Gregory Bateson est aussi
transversale qu'il fut marginal dans les institutions pendant
toute sa vie.
Bande-annonce (3'43) d'un documentaire réalisé en 2010
par sa dernière fille Nora Bateson (née en 1968).
Onze citations choisies
Ces citations ne sont pas forcément les plus accessibles,
mais quelques unes de celles qui m’ont le plus marqué dans
l’ensemble de son oeuvre, celles que j’ai eu envie de mettre
en avant quand j’ai fermé ma page web en 2014.
1 - La tique et le mammifère
(La Nature et la Pensée, p. 53)
« La
larve
de la tique grimpe à un arbre et attend sur une brindille
extérieure. Si elle sent de la transpiration, elle se laisse
tomber et atterrit, éventuellement, sur un mammifère. Mais si,
après quelques semaines, elle ne sent pas de transpiration,
elle se laisse tomber et s'en va grimper à un autre arbre. La
lettre qu'on n'écrit pas, les excuses qu'on ne présente pas,
la nourriture qu'on ne donne pas au chat : voilà des messages
qui peuvent être suffisants et efficaces parce que zéro, en
contexte, peut être significatif. »
2 - Les nœuds dans le mouchoir
(« Comment penser sur un matériel ethnologique : quelques expériences » in Vers une écologie de l’esprit, vol. 1, p. 121)
« Je
suggère
(…) d'habituer les savants à (…) faire des nœuds à leurs
mouchoirs, chaque fois qu'ils laissent quelque chose
d'informulé, c'est-à-dire leur apprendre à consentir à laisser
cela tel quel, pendant des années, mais en marquant d'un signe
d'avertissement la terminologie qu'ils utilisent ; de
telle sorte que ces termes puissent se dresser non pas comme
des palissades, dissimulant l'inconnu aux visiteurs à venir,
mais comme des poteaux indicateurs où l'on puisse lire :
« INEXPLORÉ AU-DELÀ DE CE POINT. »
3 - L'écran de la conscience
(« But conscient ou nature » in Vers une écologie de l’esprit, vol. 2, pp. 223-224)
« Bien
sûr, la totalité de
l'esprit ne peut pas se transporter dans une partie
de l'esprit. Cela découle logiquement de la relation entre le
tout et la partie. L'écran de télévision ne vous donne pas la
retransmission ou le compte rendu intégral de tous les
évènements qui se déroulent dans l'ensemble des processus qui
constituent la "télévision". Cette impossibilité ne vient pas
de ce que les spectateurs ne seraient nullement intéressés par
cette transmission, mais surtout de ce que, pour rendre compte
de toute partie supplémentaire du processus global, il
faudrait des circuits supplémentaires. Et rendre compte de ce
qui se passe dans ces circuits supplémentaires demanderait
encore d'autres circuits supplémentaires, et ainsi de suite. On voit, donc, que chaque
nouvelle étape vers l'élargissement de la conscience éloigne
d'avantage le système d'un état de conscience total.
Ajouter un rapport sur les évènements qui se produisent dans
une partie donnée de l'appareil ne fera, en fait, que diminuer
le pourcentage des évènements rapportés dans leur
totalité. »
4 - La jungle des hypothèses bâclées
(Vers une écologie de l'esprit, introduction)
« Le
soi-disant
spécialiste en sciences du comportement, qui ignore tout de la
structure fondamentale de la science et de 3000 ans de
réflexion philosophique et humaniste sur l'homme — qui ne peut
définir, par exemple, ni ce qu'est l'entropie ni ce qu'est un
sacrement — ferait mieux de se tenir tranquille, au lieu
d'ajouter sa contribution à la jungle actuelle des hypothèses
bâclées. »
5 - La structure qui relie
(La Nature et la Pensée, p. 16)
« Je
m’en
prenais récemment aux insuffisances de l’éducation
occidentale : dans une lettre à mes confrères du Conseil
d’administration de l’Université de Californie, j’avais glissé
la phrase suivante : « Si l’on brise la structure
qui relie entre eux les éléments de l’apprentissage, on en
détruit nécessairement toute la qualité. »
Je vous propose cette expression, la
structure
qui relie [the pattern which connects], comme un
autre titre possible pour ce livre.
La structure qui relie. Pourquoi les écoles n’enseignent-elles
presque rien de la structure qui relie ? Est-ce parce que
les professeurs se savent porteurs du baiser de la mort, qui
ôte la saveur à tout ce qu’ils touchent, qu’ils refusent ainsi
d’aborder ou d’enseigner les choses réellement importantes de
la vie ? Ou bien sont-ils porteurs du baiser de la mort
justement parce qu’ils n’osent rien enseigner de ces
choses-là ? Quel est donc leur problème ?
Quelle est la structure qui relie le crabe au homard et
l’orchidée à la primevère ? Et qu’est-ce qui les relie,
eux quatre, à moi ? Et moi à vous ? Et nous six à
l’amibe, d’un côté, et au schizophrène qu’on interne, de
l’autre ?
Je voudrais vous expliquer pourquoi j’ai été biologiste toute
ma vie, et ce que j’ai essayé d’étudier. »
6 - Esthétique et épistémologie
(La Nature et la Pensée, p. 27)
« Je
reste
fidèle à l'hypothèse que notre perte du sens de l'unité
esthétique a été, tout simplement, une erreur épistémologique.
Je crois que cette erreur peut se révéler beaucoup plus grave
que les incongruités mineures propres aux épistémologies plus
anciennes qui admettaient une unité fondamentale. »
7 - Créature vivante parmi les
créatures vivantes
(« La dernière conférence » in Une unité sacrée : quelques pas de plus vers une écologie de l'esprit, pp. 407-408)
« J'affirme
que
si vous voulez parler de choses vivantes, non seulement en
tant que chercheur en biologie mais à titre personnel, pour
vous-même, créature vivante parmi les créatures vivantes, il
est indiqué d'employer un langage isomorphe au langage grâce
auquel les créatures vivantes elles-mêmes sont
organisées ».
8 - La responsabilité de mes
représentations
(« Cette histoire naturelle normative qu'on appelle l'épistémologie » (1977) in Une unité sacrée : quelques pas de plus vers une écologie de l'esprit pp. 304-305)
« J'aimerais,
pour
finir, essayer de vous donner un aperçu de ce que je ressens,
ou de préciser le genre de différences que cela provoque en
moi, quand je regarde le monde du point de vue de
l'épistémologie que je viens de décrire, lorsque j'abandonne
la façon dont je le voyais avant - et dont la plupart des
gens le voient toujours, je crois. (…) Le mot
« objectif » tombe tout doucement en désuétude et,
en même temps, le mot « subjectif », qui
habituellement vous confine à l'intérieur de votre peau,
s'évanouit également. Je pense que c'est là le changement le
plus important, ce démantèlement de l'objectivité. Le monde
n'est plus « là, dehors » comme il semblait l'être
auparavant. Sans en être pleinement conscient, sans y penser
tout le temps, je sais quand même toujours que les images (…)
sont « miennes » et que j'en suis responsable d'une
manière assez particulière. »
9 - Le monde est une plaisanterie
(« Intelligence, expérience et évolution » in Une unité sacrée : quelques pas de plus vers une écologie de l'esprit pp. 374-375)
« À
mesure
que nous avançons, nous arrivons à un monde très différent de
celui décrit par le langage habituel, à un monde qui est
fondamentalement double dans sa structure. À un niveau
d'organisation assez bas (je ne dis pas simple, mais bas), il
y a quelque chose qu'on appelle l'apprentissage. Au niveau
d'une Gestalt
beaucoup plus vaste, on trouve quelque chose qu'on appelle
l'évolution. Il existe une sorte de drôle de couplage
imparfait entre ces deux niveaux. Nous nous situons surtout au
niveau de l'apprentissage mais nous sommes quand même des
créatures et nous appartenons aussi à ce niveau beaucoup plus
vaste. Nous vivons dans un monde curieusement paradoxal, dans
lequel nous faisons de notre mieux. Vous savez, le monde est
parfois une plaisanterie - parce que justement, les
plaisanteries se trouvent entre les deux niveaux de Gestalt,
les deux niveaux de configuration, et, lorsqu'ils se
recoupent, nous rions, ou nous pleurons, ou faisons de l'art
ou de la religion, ou devenons schizophrènes. Alors qu'allons
nous faire? Mais la question n'est pas vraiment de faire
quelque chose, naturellement.
Je crois qu'il y a différentes sortes de mouvements. L'un des
plus intéressants, c'est le mouvement que vous réalisez quand
vous vous trouvez déchirés entre ces deux mondes de niveaux
différents. C'est ridiculement confus, ridiculement injuste.
(...) Au-delà de ce que nous appelions une double contrainte
il y a quelques années, au-delà de ce dilemme (si toutefois
vous pouvez faire en sorte que ces niveaux s'affrontent d'une
certaine façon, sans fuir la situation, et sans vous faire
attraper par le système de santé mentale de l'État), on
découvre un autre niveau, une certaine sagesse. »
10 - Dans la gueule du loup
(La Nature et la Pensée, p. 221)
« Je
crois
que j'aimerais intituler mon prochain livre "dans la gueule du
loup", parce que tout le monde n'arrête pas de me demander de
me jeter tête baissée dans ladite gueule. C'est monstrueux -
vulgaire, réductionniste, sacrilège, appelle ça comme tu
voudras - de foncer tête baissée muni d'une question
sur-simplifiée. C'est un péché à l'encontre de nos trois
nouveaux principes. Contre l'esthétique, contre la conscience
et contre le sacré. »
11 - L'univers disséqué
(« La dernière conférence » in Une unité sacrée : quelques pas de plus vers une écologie de l'esprit, pp. 411-412)
« Vous
allez
peut-être me demander maintenant : "Mais comment
arrive-t-on à ce genre d'éducation holistique?" Et cette
question est déjà un aveu, car elle montre qu'habituellement
nous ne voyons pas les choses comme cela. Elle émerge d'un
univers déjà disséqué et non d'un univers organisé, et
implique une réponse qui ne peut pas être la bonne. Cette
réponse, issue d'un univers déjà disséqué, je ne vous la
donnerai pas, car ce n'en serait pas une. »
Taez, coupole de la mosquée Al-Ashrafiyya, XIII°
siècle (couleurs modifiées).
Considérations sur Gregory Bateson
[extraits portant sur Bateson, dans
mes textes du premier confinement]
Publiée en 1936, l’oeuvre de jeunesse de Gregory Bateson
s’intitule : La Cérémonie du Naven. Les problèmes
posés par la description sous trois rapports d'une tribu
de Nouvelle-Guinée (traduction
française publiée
en 1971).On constate que
d’emblée, Bateson pose la description en terme de problème…
L’oeuvre s’avère trop déconcertante
intellectuellement pour fonder un nouveau paradigme en
anthropologie, et Gregory Bateson mènera l’essentiel de sa
carrière à la marge des institutions. Bateson est largement
connu aussi pour ses contributions dans des disciplines
connexes : dans le renseignement militaire pendant la
seconde guerre mondiale (comment miner le moral des troupes
le plus efficacement possible, compte-tenu du rapport à
l’information des régimes fascistes…1),
puis
en psychiatrie (théorie de la schizophrénie et de la
« double contrainte »), en théorie de
l’apprentissage (ses élèves partiront développer les
« poules aux œufs d’or » du développement
personnel…2)
et de la communication biologique (on le considère
aujourd’hui comme un précurseur de la
« biosémiotique »3).
Bateson
est surtout un penseur précurseur sur la crise écologique,
et c’est sous le paradigme unifié de « l’écologie de
l’esprit » qu’il redéfinira à la fin de sa vie la
cohérence de son œuvre4.
Mais pendant que Gregory Bateson poursuivait son chemin,
son Naven a tout de même eu une influence durable et
transversale au sein-même des sciences sociales, bien que
souvent indirecte ou souterraine. Cette œuvre initiait en
effet certains outils fondamentaux, comme la notion d’ethos
culturel (reprise par Pierre Bourdieu), l’interactionnisme
(Erving Goffman) ou la notion de « schismogenèse »
et de configuration (Norbert Elias). Et derrière cette
« description sous trois rapports », mentionnée
dans le sous-titre de Naven, se cache une pratique
de la description qui caractérise pleinement ce qu’on
appelle aujourd’hui ethnographie. Lorsqu’il décrit
une scène à laquelle il a assisté, le chercheur s’efforce de
mettre en évidence à la fois la cohérence eidologique
des idées mobilisées, la cohérence ethologique de
l’expérience sensible et corporelle, et la cohérence sociologique
de son inscription dans l’organisation et la structure
sociale. C’est exactement cette pratique que j’ai appliqué
sans relâche au cours des années 2000, dans mon étude de la
sociabilité masculine à Taez. Je la tirais simplement de ma
formation généraliste en sciences sociales, à l’ENS et à
l’Université de Nanterre, et pas spécialement d’une lecture
de Naven, un livre devenu assez difficile d’accès.
Si je retourne lire Bateson, à la
fin des années 2000, c’est à l’origine parce que je suis
confronté à un cas de « schizophrénie » chez celui
qui a été l’objet de ma première étude quelques années plus
tôt (je renvoie à l’article tiré de ma maîtrise en
2005 : « Zayd,
Za’îm
al-hâra.
Analyse sociologique d'un charisme de quartier »).
De
manière très symbolique, Ziad met le feu à sa propre maison
le 19 août 2007, jour de mon retour à Taez pour mon
quatrième séjour. Évidemment, j’aurais pu ignorer cet
incident : j’avais alors une certaine conception de la
sociologie locale, et j’aurais tout à fait pu laisser Ziad
dans sa « case », comme les Yéménites eux-mêmes
m’y encourageaient. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait dans
un premier temps. Mais tout en conservant les analyses que
j’avais construites - et tout en laissant Ziad dans sa
prison - j’ai utilisé une sorte de joker, la
conversion à l’islam. Un geste que personne ne pouvait me
reprocher, ni dans la société yéménite, ni dans le monde
académique français. Je n’ai absolument pas mélangé les
genres, en jouant à l’apprenti théologien ou à
l’anthropologue culturaliste infiltré. Mais par le fait même
que je m’installais dans une pratique de l’islam - que
je plaçais ma propre observation sous le regard de
Dieu - je suis devenu capable de reconstruire mon objet
en y intégrant mon propre regard. Et c’est ce qui donne les
études présentées sur ce site, qui n’ont jamais vraiment été
reçues par le monde académique, mais qui forment un ensemble
plutôt cohérent (voir la publication unilatérale de ma
thèse), organisés autour d’une situation ethnographique,
dont j’ai parcouru et reparcouru les méandres, comme une
tragédie antique constamment réinterprêtée par le rhapsode,
dont il ne reste à peu près aucune zone d’ombre aujourd’hui.
Or il existe une raison fondamentale, qui faisait que je ne
pouvais pas terminer cette thèse, et que cette thèse ne
pouvait être reçue. Cette raison, c’est que les sciences
sociales ne savent plus pourquoi elles pratiquent
l’ethnographie, telle qu’elle la pratiquent
aujourd’hui : elles pratiquent une description « à
la Bateson », mais elles croient sérieusement à la
réalité des entités qu’elles utilisent, ce qui est
contradictoire.
Citons l’épilogue5
rédigé par Bateson en 1958, pour une ré-édition de
l’ouvrage :
La Cérémonie du
Naven n’est en fait qu’une étude de la nature de
l’explication. Bien sûr, le livre contient des détails sur
la vie et la culture iatmul, mais il n’est pas en premier
lieu une étude ethnographique [au sens des années 1950…],
une exposition des données en vue d’une éventuelle
synthèse ultérieure, à effectuer par d’autres hommes de
science. Il s’agit là même plutôt d’une tentative de
synthèse, d’une étude des manières dont les données
peuvent être structurées dans un ensemble, et c’est bien
une telle structuration des données que je désigne par
« explication ». (…) Le point culminant et final
du livre est la découverte, décrite dans l’«Épilogue 1936»
(découverte faite quelques jours seulement avant que le
livre ne soit sous presse) de ce qui est aujourd’hui un
truisme: le fait qu’« ethos »,
« eidos »,
« sociologie »,
« économie », « structure
culturelle », « structure sociale » et tous
les autres mots similaires se réfèrent uniquement à la
façon dont les hommes de science mettent ensemble les
éléments du puzzle.
Toutefois, ces concepts théoriques relèvent
également d’un ordre objectif de réalité: ils sont
réellement des descriptions de processus de connaissance
adoptées par les hommes de science; mais supposer que des
mots comme «ethos » ou « structure
sociale » possèdent une autre réalité, c’est
commettre l’erreur que Whitehead appelle «le concret mal
placé». (…) « économie » est une
classe d’explications et non pas une explication.
C’est cette erreur généralisée du « concret
mal-placé », qui nous place dans la situation délicate
actuelle (et je recycle ici un paragraphe de
l’introduction…). Les
intellectuels
nous expliquent
aujourd’hui,
àlongueur
de
tribunes, que la crise
du
Covid-19
est la conséquence de la mondialisation capitaliste, qui
n’a cessé d’organiser
la
circulation généralisée des marchandises et de
l’oligarchie financière, tout en affaiblissement partout
le corps social.Mais l’un
des corollaires de ce processus a toujours été la
circulation des chercheurs en sciences sociales - et
de préférence de ces chercheurs incapables d’affronter la
mort, sélectionnés par des institutions académiques
sclérosées dans tous les domaines, et tous les Etats du
monde. Cette circulation a permis, depuis 1945, la
construction progressive d’une appréhension rationaliste
et unifiée des « réalités sociales », partout
sur la planète, y
compris en Mélanésie.
Là est le fondement véritable de la mondialisation
capitaliste, et sa condition préalable. Les
classes
moyennes occidentales se montrent solidaires de
cette image
unifiée des réalités du monde, des plus proches aux plus
exotiques, parce qu’elles
la consomment selon des pratiques culturelles(en France surtout)
étroitement liées
à leurs valeurs et à leur mode de vie. Et
c’est la
véritable
raison d’être de ce confinement « bête
et
méchant » dont
nous faisons
l’expérience en France,
qui a peu de rapport
avec la gravité objective de la maladie.Via
l’État
macronien,
les
classes
moyennes se retrouvent aujourd’hui prises au piège de leur
propre vision du monde.
Dans ma propre enquête, étant issu moi-même de cette classe
moyenne, je n’ai fait que reparcourir le cheminement de
Bateson dans Naven. Je faisais ma propre éducation
d’épistémologie6,
en détruisant systématiquement les idoles sociologiques. Le
Yémen des années 2000 n’était pas la Nouvelle-Guinée des
années 1930, et l’anthropologie n’est pas non plus la même.
Mais il y a beaucoup d’analogie, entre mon exploration de
« l’homoérotisme » et de ses faux-semblants
toujours renouvelés, et la démarche révolutionnaire de Naven,
qui consiste à peindre une société à partir d’un seul rituel
de travestissement. Le sens de Naven en langue
iatmul est « donner à voir », ou quelque chose
comme « en mettre plein les yeux ». Autrement dit,
ce rituel permettait à Bateson de penser sa propre position
d’observateur, incidemment. Bateson n’insiste pas, il
n’écrit pas à l’ère de l’anthropologie réflexive et
post-moderne, et ce n’était pas le genre de l’époque. Mais
la suite de son œuvre montre qu’il a intégré la leçon.
Moi-même en 2001, lorsque je me lance dans les sciences
sociales, c’est avec l’idée sous-jacente de les rendre plus
rigoureuses, et d’utiliser pour cela mon expérience
antérieure de la camaraderie scientifique transculturelle.
Mais dans le Yémen des années 2000, la destruction des
idoles sociologiques est une question hautement sensible
politiquement. Contrairement à Bateson et les Iatmul de
Nouvelle-Guinée, je suis rattrapé d’emblée par les
« dommages collatéraux » de cette démarche -
d’une part en 2003, à travers l’épilogue de mon premier
terrain, d’autre part avec l’incendie de 2007.
La
révolution
malinowskienne, Naven et moi
Rédigé
le
10 mai, pour introduire la distinction fondamentale
entre les sociétés non-européennes
« découvertes » à partir du XVe siècle, et les
sociétés orientales (musulmanes), qui ne sont devenues
que par accident des objets légitimes de
l’anthropologie, du fait de la disqualification de
l’Orientalisme à la décolonisation. Une confusion
structurelle de l’ère post-coloniale, dont j’explique
ici comment elle se traduit dans mon histoire.
Considérations
à
reprendre ultérieurement en articulation plus étroite
avec les travaux de Florence Weber (histoire de
l’anthropologie et rapports avec la sociologie) et de
Jocelyne Dakhlia (approche de l’islam méditerranéen par
l’anthropologie historique)]
Contextualisons d’emblée l’appel de Bateson [structure
qui
relie], en expliquant sa position dans les savoirs
disciplinaires de son temps.
Gregory Bateson (1904-1980)
est le fils d’un grand biologiste de l’Université de
Cambridge, William Bateson (1861-1926). Dans les premières
années du XXème siècle, il est le premier à
proposer le terme « génétique » pour décrire
l’étude de la variabilité, à partir des travaux sur
l’hérédité du moine Grégoire Mendel (1822-1884), que William
Bateson a redécouverts et défendus dans l’arène académique7.
C’est d’ailleurs en l’honneur de Mendel qu’il a nommé son
troisième fils Gregory. Or le fils aîné meurt dans la Grande
Guerre en 1915 ; le cadet, de sensibilité plus
romantique, se suicide en 1922 d'une balle dans la tête sur
Piccadilly Circus. C’est ainsi que toute l’ambition
scientifique du père retombe sur le jeune Gregory, qui a
alors 18 ans. Après des études de biologie, ce dernier se
dirige finalement vers l’anthropologie et part se faire les
dents en Nouvelle-Guinée, sur l’analyse d’un rituel de
travestissement dans une tribu de chasseurs de têtes, le Naven…
Dans l’histoire de l’anthropologie, l’idée que le
théoricien séjourne longuement sur le terrain ne s’est
imposée qu’à la génération précédente, à partir de la
mésaventure d’un jeune anthropologue polonais, Bronislaw
Malinowski (1884-1942) : formé à Londres, mais
ressortissant de l’empire austro-hongrois, il est surpris
par la première guerre mondiale alors qu’il mène une
campagne de collecte dans une île de Mélanésie, rattachée à
l’Empire britannique. Malinowski est ainsi
« confiné » de force sur le terrain pendant quatre
ans ; à son retour dans l’université, il publie Les
Argonautes du Pacifique occidental (1922), et fonde
l’anthropologie fonctionnaliste, qui analyse les sociétés à
partir des institutions culturelles qui en assurent la
stabilité, comme dans un tout organique. Cette nouvelle
lecture s’impose sur les courants alors dominants de
l’évolutionnisme et du diffusionnisme.
Bronislaw
Malinowski
et les Trobriandais, en 1918. Collections de la London
School of Economics.
La révolution malinowskienne est cette découverte un peu
accidentelle - en tous cas liée à la fin d’un
monde - qui permet une œuvre comme Naven à la
génération suivante (1936). Le jeune Bateson se débat
lui-aussi parmi des Mélanésiens, avec les outils
intellectuels de la biologie du XIXème siècle, et
ces questions de stabilité et de cohérence culturelle qui
obsèdent l’anthropologie de son époque.
Il est important de poser cette histoire car qu’on le
veuille ou non, à l’ère post-coloniale, le Yémen a relevé de
l’aire de compétence de l’anthropologie, notamment suite à
la disgrâce de l’Orientalisme. Le geste de mon enquête
s’inscrit directement dans cette histoire-là, même s’il a
suscité et suscite encore beaucoup d’interrogations :
le physicien normalien qui part trois mois par an se poser
sur un carrefour de Taez, et qui tente d’ajuster sa théorie
de manière à comprendre les interactions, dans leur rapport
avec l’histoire sociale locale. Dans cette affaire,
l’immersion en situation est ce qui permet le genre de
« débrayage » évoqué plus haut, une ré-élaboration
conceptuelle suffisamment profonde pour découvrir l’ordre au
sein de la complexité.
Ce n’est donc pas la peine de m’expliquer « Ce
n’est pas comme ça qu’il fallait s’y prendre » -
comme le font systématiquement les diplômés parmi mes
co-religionaires, avec lesquels je tente de partager mon
travail depuis quinze ans. Si je m’y suis pris comme ça,
c’est parce que l’ethnographie réflexive est l’une des
manières privilégiées de faire avancer les sciences
sociales, en vertu d’un certain ordre théorique et
méthodologique institué. Si ça ne vous plait pas, alors il
faut contester cet ordre - et c’est précisément ce que
je m’efforce de faire à travers mon travail. Mais si vous
prenez part à cet ordre en le laissant tel qu’il est, sans
jamais contester non plus la compétence des sciences
sociales, alors il ne faut pas s’étonner que des problèmes
finissent par se poser…
Il faut rappeler aussi le moment historique propre de mon
étude, le début des années 2000. Si je fais ce geste à cet
endroit - non pas dans une tribu reculée
« traditionnelle », mais dans une ville qui
figurait au Yémen la capitale de l’éducation et de la
modernité - cela découle directement des attentats du
11 septembre 2001, et du blocage politique des régimes
arabes qui s’étalait à cette époque aux yeux du monde. Deux
décennies plus tard, et une décennie après l’irruption des
Printemps Arabes, il s’avère qu’il n’y avait là aucune
spécificité arabe : l’année 2011 apparaît même
aujourd’hui comme le prélude à une déstabilisation
généralisée. Raison de plus pour s’intéresser à la stabilité
propre que j’ai pu construire dans mon travail en amont, par
anticipation inconsciente de ces bouleversements, en
dialogue avec certaines figures intellectuelles
structurantes de ce domaine.
Le
XXème siècle et nous
[Extrait
de
mon texte
« Déconfinement. Récit autobiographique (1998-2004)
et essai de généalogie familiale »]
« La monstrueuse pathologie
atomiste que l'on rencontre aux niveaux individuel,
familial, national et international - la pathologie du
mode de pensée erroné dans lequel nous vivons tous - ne
pourra être corrigée, en fin de compte, que par
l'extraordinaire découverte des relations qui font la
beauté de la nature. »
« Pourquoi dites-vous ce
proverbe dans le pays d'Israël: Les pères ont mangé des
raisins verts, et les dents des enfants en ont été
agacées? Je suis vivant! dit le Seigneur, l'Éternel,
vous n'aurez plus lieu de dire ce proverbe en Israël.
Voici, toutes les âmes sont à moi; l'âme du fils comme
l'âme du père, l'une et l'autre sont à moi ».
Pour montrer les enjeux du présent
texte, j’aimerais revenir aux citations placées en
exergue. Car c’est bien ce dont il s’agit : se
réconcilier avec nos aïeux, afin de replacer leurs
citations dans leurs contextes. Nous ne sortirons pas de
la crise actuelle sans produire cet effort transnational
de re-contextualisation, cet énorme travail
d’anthropologie, d’histoire et de sciences sociales, seule
mobilisation humaine susceptible de tenir en échec
l’emprise des technologies cybernétiques.
La citation de Bateson est reproduite
sur la quatrième de couverture d’un recueil d’articles
publié à titre posthume en 1991. Elle est souvent reprise,
car elle résume bien les enjeux de sa pensée. En cherchant
la référence exacte, j’ai découvert aujourd’hui qu’il
s’agissait des derniers mots de sa « dernière
conférence ». Une
sorte
de dialogue avec Bateson sur son lit de mort,
c’est bien l’enjeu sous-jacent de ce texte.
Gregory Bateson appartient à la
génération de mon grand-père plutôt qu’à celle de mon
père. Néanmoins ce dernier partageait à sa manière
certaines de ces prémisses, notamment la perspective de
trouver l’apaisement dans la contemplation de la nature.
Mon père avait découvert l’alpinisme avec ma mère, vers 30
ans, aussi la pratique régulière de la marche et de
l’escalade en forêt de Fontainebleau. La pratique du sport
dans la nature était une chose très importante dans sa
vie, un besoin vital pour l’homme d’âge mûr que j’ai
connu, et qu’il est toujours resté. Comme mes deux parents
étaient athées, cette pratique a été ma seule éducation
spirituelle, particulièrement importante dans les
premières années de ma vie d’adulte. J’ai choisi Taez pour
mon enquête au Yémen, aussi parce que c’était une région
montagneuse - moyennant quoi je me suis retrouvé sous
les gaz d’échappement, collé à un carrefour embouteillé en
permanence… Mais j’étais tellement fasciné par cette
société que la nature ne me manquait pas, et j’en étais le
premier surpris. Pour l’adulte d’âge mûr que je suis
devenu, c’est l’islam qui est devenu vital, c’est-à-dire
une certaine écologie des relations humaines. J’ai
toujours plaisir à sortir marcher, mais j’ai perdu tout
rapport de dépendance à l’égard de la nature
« sauvage ». Et de mon point de vue, c’est
précisément cela qui détruit la planète. Car ce rapport à
la nature des classes moyennes occidentales est
indissociable d’une tendance objectiviste, liée à leur
passage par les institutions d’enseignement supérieur9.
Après avoir reporté toutes leurs contradictions sur le
monde extérieur, la prétendue « réalité », ces
dernières identifient certaines poches qu’il leur paraît
indispensable de sacraliser, selon leurs besoins à eux… On
peut bien rire des anthropologues de cabinet du XIXème
siècle, qui dissertaient sur les sauvages depuis les
bibliothèques des grandes métropoles européennes, avant la
révolution malinowskienne10.
Mais nos contemporains font encore pire, ces
jours-ci : depuis le confinement de leur salon, ils
prétendent encore sauver les ours polaires…
Mais passons à la citation de
l’Ancien Testament. Cette citation est en fait une
citation de Bateson déguisée. En effet, Gregory Bateson
cite ledit proverbe en ouverture d’une conférence de
1966 : « De Versailles à la Cybernétique »
(reproduite dans le tome 2 de Vers
un
écologie de l’esprit).
Selon Bateson - et il faut se replacer dans
l’actualité de la guerre froide - les deux principaux
évènements du XXème
siècle sont le Traité de Versailles et l’invention de la
cybernétique. Le traité de Versailles de 1919, comme
tentative de reconstruire les relations internationales
sur des prémisses erronées, dont on sait qu’elles ont mené
à la seconde guerre mondiale et à la course aux armements.
Quant à la cybernétique ou la théorie des systèmes -
découverte au cours des années 1940 dans les fameuses conférences
Macy, dont Bateson est l’un des
initiateurs - elle représente la révolution
intellectuelle censée nous permettre de traiter
correctement ce type de problèmes. En nous inspirant de la
beauté de la nature, et en observant l’actualité humaine
comme un naturaliste, nous devrions être amenés à corriger
les prémisses erronées qui fondent notre civilisation.
Au-delà du Traité de Versailles, il pense à Descartes et à
Newton : « ces
pères ont mangé des raisins verts, et les dents des
enfants en ont été agacées ».
Cet aspect de la pensée de Bateson,
qu’il voulut inscrire comme ses toutes dernières paroles
en 1980, sont depuis devenues la vulgate ordinaire de
toute la pensée écologiste. Pour autant, Bateson exprimait
aussi quelques réserves, qui malheureusement sont passées
par pertes et profits :
Gregory
Bateson,
dernières pages de l’essai « De Versailles à la
Cybernétique » (1966)11
Bien que, pour ma part, je
croie que la cybernétique est un des plus beaux fruits que
nous ayons cueillis sur l'Arbre de la Connaissance depuis
deux mille ans, je pense aussi qu'il ne faut pas oublier,
pour autant, que la plupart des fruits auxquels nous avons
goûté jusque-là se sont avérés plutôt indigestes - et
généralement pour des raisons cybernétiques.
Si la cybernétique contient
en elle-même assez d'intégrité pour nous aider à ne pas
succomber à sa propre séduction, et sombrer à nouveau dans
la démence, nous ne pouvons pas non plus nous en remettre
entièrement à elle pour nous tenir éloignés du péché.
Pensons à ces nombreux pays
où les ministères des Affaires étrangères utilisent les
ordinateurs et la théorie des jeux, pour décider de leur
politique internationale. (…) L'ordinateur démarre, vibre,
donne une réponse, et c'est alors qu'il y a quelque
tentation à y obéir. Après tout, si l'on suit les ordres
de l'ordinateur, on est un
peu moins responsable
que si l'on prend soi-même la décision. Or, en suivant les
ordres de l'ordinateur, on approuve implicitement les
règles du jeu qu'on y a introduites. On affirme
ces règles du jeu.
Etant donné qu'il est
évident que, de leur côté, les autres nations disposent
elles aussi d'ordinateurs, qu'elles jouent à des jeux
similaires, et qu'elles affirment
aussi ces mêmes règles du jeu qu'elles introduisent dans
leurs ordinateurs, le résultat, c'est donc un système dans
lequel les règles de l'interaction internationale
deviennent de plus en plus rigides.
Cela me semble pernicieux :
je crois, pour ma part, que les tares du système
international viennent, justement, de ce que ce
sont
les règles qui ont besoin de changer.
La question n'est pas de savoir comment améliorer le
système en fonction des règles déjà existantes mais de
savoir comment nous débarrasser de ces règles avec
lesquelles nous jouons depuis dix ou vingt ans, ou même
depuis le traité de Versailles. Le vrai problème est de
changer les règles, et si nous laissons nos propres
inventions cybernétiques, les ordinateurs, nous enfermer
dans des situations de plus en plus rigides, nous
gâcherons la première chance véritable de progrès qui nous
ait été offerte depuis 1918.
Tel est donc l'un des
dangers de la cybernétique. Il peut en exister d'autres,
dont beaucoup ne sont pas encore identifiés : nous ne
savons pas, par exemple, quels pourraient être les effets
d'une mise en ordinateur de tous
les dossiers gouvernementaux.
Je conclurai, néanmoins, en
réaffirmant que c'est pourtant aussi la cybernétique, qui
recèle en elle-même ces moyens latents par lesquels nous
pouvons escompter parvenir à des perspectives nouvelles et
peut-être plus humaines, qui peut nous permettre de
changer notre philosophie du contrôle et de considérer,
enfin, notre propre folie selon une plus large
perspective.
J’ai voulu laisser la parole à Bateson pour que vous
sentiez la puissance prophétique de ces pages, écrites en
1966. En fait depuis, on n’a rien inventé de nouveau. Mais
rendons-nous compte aussi à quel point il était lucide,
malgré son enthousiasme intellectuel. Et notre génération en
a gardé un enthousiasme aveugle, la lucidité ne lui étant
plus accessible. Par exemple, depuis ma lecture il y a douze
ans du second tome de Vers une écologie de l’esprit,
j’ai gardé en tête ce petit proverbe tiré de la Bible, celui-là
même que le
Prophète Ezéchiel reproche aux juifs de citer.
Aujourd’hui je découvre avec stupéfaction que la citation
est tronquée : en fait la Bible nous met en garde
contre ce proverbe - mais Bateson n’a même pas pris la
peine de nous avertir ! À l’époque, cette mise en garde
ne lui apparaissait pas pertinente…
Cette anecdote résume à elle-seule la
nature des rapports entre générations. Pour nous
réconcilier avec la Terre, nous n’avons d’autre solution
que de nous réconcilier avec nos aïeux. « Quoi
qu’il
en coute », comme
dirait Macron : quitte à pour cela rechercher l’appui
des textes sacrés, qui justement
ne sont pas des
« contes des anciens » (Sourate
du
Discernement, verset 5).
(3 mai 2020)
1Gregory
Bateson. « An Analysis of the Nazi Film"
Hitlerjunge Quex" », Studies
in Visual Communication
6, no
3 (1980) : 20‑55.
2Ainsi
des fondateurs de la “PNL” : Richard Bandler et
John Grinder, The
structure of magic. A book about language &
therapy,
vol. I (Science and Behavior Books, 1975) -
préfacé par Virginia Satir et Gregory Bateson.
3Hoffmeyer,
Jesper, dir., A
Legacy for Living Systems: Gregory Bateson as
Precursor to Biosemiotics,
Biosemiotics (Springer Netherlands, 2008).
https://www.springer.com/gp/book/9781402067051.
4Gregory
Bateson, Vers
une écologie de l’esprit,
vol. 1 (Paris : Le Seuil, 1977); G. Bateson,
La
nature et la pensée
(Paris : Seuil, 1984).
5Gregory
Bateson, « Epilogue
1958 » in Vers
une écologie de l’esprit,
1 : 195‑220.
6« Le
texte est ainsi un entrelacement de trois niveaux
d’abstraction: au niveau le plus concret on trouve les
données ethnographiques; à un niveau plus abstrait se
situe la tentative d’arranger ces données pour en
obtenir différentes images de la culture, et à un
autre, encore plus abstrait, la discussion réflexive
des procédés par lesquels le puzzle de ce jeu de
patience se constitue comme ensemble. » Dans
ces phrases de Bateson parlant de Naven, j’ai le
sentiment de retrouver
la polysémie du mot « saloperie » dans mon
travail. Cf«
Le miel sur le rasoir. Une ethnographie du jeu
et du fantasme dans la sociabilité masculine
de l’urbanisation yéménite » (bilan de mes
recherches rédigé à l’automne 2008).
7Alan
G. Cock et D. R. Forsdyke, Treasure
your exceptions: The science and life of William
Bateson
(Springer, 2008).
8Gregory
Bateson. « La dernière conférence »,
dans Une
Unité sacrée: quelques pas de plus vers une
écologie de l’esprit
(Seuil 1996, 1979), 404‑12.
Note de l'éditeur p. 404 : "Sollicité pour donner ce
qu'il aurait voulu appeler sa "dernière conférence",
Bateson a répondu par ce brouillon, destiné à la
presse, d'une conférence donnée le 28 octobre 1979 à
l'Institut des arts contemporain, à Londres. Ecrit le
29 septembre 1979, ce texte était inédit jusqu'ici."
9Sur
l’importance de la stratification éducative pour la
compréhension de la crise mondiale actuelle, voir
d’Emmanuel Todd le chapitre 12 : « La
démocratie minée par l’éducation supérieure » de
son livre Où
en sommes-nous ?
10Dans
l’histoire de l’anthropologie, l’idée
que le
théoricien séjourne
longuement sur le terrain ne s’est imposée
qu’à partir de
l’oeuvre de Bronislaw Malinowski (1884-1942), un
anthropologue polonais formé à Londres, qui s’est
retrouvé coincé dans les îles de l’Empire britannique
pendant toute la première guerre mondiale, du fait
qu’il était ressortissant de l’empire austro-hongrois.
C’est cette découverte accidentelle qui, à la
génération suivante, permettra des œuvres comme le Naven
de Gregory Bateson (1936),
le fils
d’un très grand biologiste de l’Université de
Cambridge. William Bateson (1861-1926) est le premier
à utiliser le terme génétique,
après avoir redécouvert les travaux du moine Grégoire
Mendel (1822-1884) sur l’hérédité. Et le jeune Gregory,
son troisième fils, partira se faire les dents en
Nouvelle-Guinée, sur l’analyse d’un rituel de
travestissement dans une tribu de chasseurs
de têtes…
11Gregory
Bateson, Vers
une écologie de l’esprit,
vol. 2 (Paris : Seuil, 1980), 277‑78.
Sète,
le 6 mars 2014.
Mes publications en sciences
sociales sont sur Academia.edu.